Dans un arrêt rendu le 14 mai 2025, la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé les contours juridiques de l'entente anticoncurrentielle au sens de l’article L. 420-6 du Code de commerce. Elle a cassé partiellement une décision de la cour d’appel de Poitiers qui avait condamné un professionnel pour avoir transmis à une entreprise un devis concurrent dans le but de lui permettre de s’aligner sur les prix. Pour la Cour de cassation, un tel comportement ne suffit pas, à lui seul, à établir l’existence d’une entente prohibée.

Des faits établis mais insuffisants

L’affaire débute par un signalement effectué par un mandataire judiciaire. M. I, décisionnaire dans l’attribution de marchés pour une entreprise, transmet à M. Y, gérant d’une autre société, un devis établi par un concurrent. L’objectif : permettre à ce dernier de rédiger une offre s’alignant sur les prix. La cour d’appel y voit une action concertée visant à fausser la concurrence, en dépit de l’absence de copie intégrale du document. Elle condamne M. I sur le fondement de l’article L. 420-6 pour participation déterminante à une pratique anticoncurrentielle.

Un défaut de démonstration de la volonté commune

Saisie du pourvoi formé par M. I, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle que la caractérisation d’une entente suppose un véritable accord de volontés entre les parties. En l’espèce, aucun élément n’établissait un tel accord entre les deux entreprises pour fixer conjointement les prix. La simple communication d’un devis, même si elle a influencé l’élaboration d’une offre, ne suffit pas à prouver l’existence d’une entente. Les juges d’appel auraient dû motiver plus précisément la participation personnelle et déterminante de M. I à une stratégie concertée.

L’exigence de motivation des décisions pénales

La haute juridiction insiste sur le respect de l’article 593 du Code de procédure pénale : un jugement ou un arrêt doit être motivé de manière claire et précise. En l’absence de démonstration de l’élément intentionnel de la concertation, la condamnation pénale ne peut être maintenue. L’arrêt de la cour d’appel est donc annulé sur ce point, bien que les autres condamnations, notamment pour abus de biens sociaux, soient confirmées.
 
Cet arrêt rappelle que le droit de la concurrence ne sanctionne pas toute interaction entre entreprises concurrentes. Pour constituer une infraction, une entente doit reposer sur un accord effectif entre parties visant à altérer le libre jeu de la concurrence. La Cour de cassation renforce ici les exigences probatoires et protectrices du principe de légalité en matière pénale.
 
Source : Cass. crim., 14 mai 2025, n° 23-81.673